Demi finale 2019, Federer est confronté à une situation qui semble compromise. Il court de droite à gauche et de gauche à droite tout en recevant des balles à plus de 150 kilomètres heures de Nadal. Puis, tout s’inverse : un coup sorti de nul part met fin à cette situation. En s’appuyant sur les difficultés rencontrées, Federer dévoile tout son talent. Il s’est servi de la situation difficile pour en faire une force. C’est une sacrée leçon de vie.

Une balle vrille à 210 kilomètres heures sur Federer. En moins d’une seconde, il invente une façon d’agir pour renvoyer cette balle qui repart à tout allure dans le carré de jeu de Nadal. Federer avait peut-être un plan tout fait avant la réception de la balle. Il imaginait voir arriver la balle sur son coup droit pour la renvoyer à droite, le long de la ligne. En prévoyant ce scénario, il aurait été surpris par le présent ou aurait tout tenté pour suivre son plan de départ et n’aurait pas pu inventer ce coup gagnant. En ne prévoyant aucun scénario à l’avance, il réussit à faire le point. Nadal ne parvient pas à récupérer la balle. Arrêtons de tout prévoir !

Federer est au service. Dès qu’il réceptionne la balle, Nadal court au filet. Il crée une nouvelle situation impossible à prévoir, d’autant qu’il vient rarement au filet. Federer doit tenir compte de cette configuration de jeu. Il frappe la balle qui prend le filet. Ce point est terminé : Federer le perd. Nadal le gagne. Aucun des deux joueurs ne dévoilent une émotion. Si on ne connait pas les règles du jeu du tennis, il est impossible de voir qui a gagné le point. Nadal pourrait être euphorique. Il esquisse à peine un sourire. Ce point est déjà du passé pour lui. Il est tout au présent en regagnant sa place au fond du terrain pour servir. Quant à Federer, ayant perdu, il pourrait être en colère jusqu’à jeter sa raquette comme on a pu le voir chez de nombreux joueurs. Rien. En tout cas rien ne transparait. Il est prêt à réceptionner la balle de service de Nadal.
Tous les deux vivent dans le présent : ils jouent le point. Pas celui d’avant, pas celui d’après. Le point terminé, ils réagissent quelques secondes à la perte ou au gain du point. Mais jamais trop longtemps voire pas du tout. Ils peuvent alors revenir au présent et se concentrer à la situation du moment. Ils sont alors justes dans chaque déplacement, dans chaque frappe de la balle. Un joueur dans le passé ou dans le futur peut renvoyer la balle parce qu’il a des automatismes de joueur, répétant ces gestes au quotidien. Ce sont les automatismes qui agissent, pas les joueurs. Leur talent, leur imagination, leur créativité ne s’expriment pas dans les automatismes. La frappe juste ne peut pas être donnée dans ces conditions. En ressassant le passé, il est impossible de se concentrer sur l’instant présent. Seuls les automatismes interviennent, la création est impossible. Un sentiment désagréable apparait alors : la colère ou la déception de ne pas avoir eu le comportement juste pour la situation présente. En étant dans le futur, dans la victoire ou la défaite à venir, l’attention n’est pas au service du point à jouer là maintenant. Et il arrive ce qu’il arrive, le contraire de que nous attendions.

Federer et Nadal ont une technique de jeu incroyable, ils sont dans le présent tous les deux, enchaînant point par point, ils sont en parfaite harmonie avec la situation présente en apportant le comportement juste. Pourtant, un des deux joueurs va perdre. C’est Federer, à cette demi finale 2019. Nadal arrive avec une seule pensée qui s’aperçoit dès son entrée sur le terrain et qui ne le quitte pas : il vient pour gagner. Tous les matchs sont des finales, même cette demi finale. Federer, lui, vient pour jouer Nadal. Il pense à gagner mais veut surtout jouer avec Nadal, essayer des coups, essayer des stratégies. Et ils obtiennent tous les deux ce qu’ils veulent ! Dans la vie c’est pareil, nous obtenons ce que nous voulons, pas ce que nous pensons vouloir.

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